Marie-Madeleine
(Source : http://www.prismeshebdo.com/prismeshebdo/article.php3?id_article=493 )
Le Codex de Berlin, découvert en Egypte, fut rédigé en copte vers la fin du 2e s. de notre ère. Il inclut l’Evangile de Marie, un court écrit dont quelques passages manquent. Il contient cependant d’étonnantes révélations sur le cercle des disciples de Jésus et leur travail spirituel. La figure de Marie-Madeleine, qui relate les faits, se dresse avec force et révèle la clarté d’une femme aux prises avec la suprématie masculine.
"Soeur, nous savons que le Sauveur te préférait aux autres femmes, rapporte-nous les paroles du Sauveur dont tu te souviens, et que tu as comprises et pas nous, et surtout celles que nous n’avons pas entendues", demande Pierre à Marie-Madeleine.
[...]
Son influence est toutefois considérable : c’est à elle que Jésus apparaît lors de sa résurrection, lorsqu’elle vint s’occuper du corps. Cette seule tâche, dévolue à une femme très proche, souligne son lien particulier avec Jésus : Marie, mère de Jésus, est toujours vivante mais ce n’est pas elle qui effectue cette opération. Curieusement, la conversation de Marie-Madeleine avec Jésus ressuscité n’est pas rapportée dans l’Evangile de Jean dont les écrits témoignent pourtant d’une connaissance initiatique poussée ; il dépeint simplement l’affolement de Marie-Madeleine à la vue du tombeau vide, comme si elle avait perdu la tête. Tout l’aspect crucial de la vision puis de la reconnaissance de Jésus ne figure pas dans son texte.
Après son ascension définitive, Jésus apparaît de nouveau à Marie-Madeleine. Le Codex de Berlin raconte la déclaration de Marie aux disciples : "J’ai vu le Seigneur dans une vision." Aussitôt, elle est prise à parti par le groupe : "Pour ma part", dit André, "je ne crois pas que le Sauveur ait dit cela. Car ses enseignements ont certainement une autre signification." Et Pierre ajoute : "Se serait-il entretenu avec une femme, en secret et à notre insu ? Devrions-nous nous tourner vers elle et l’écouter tous ? Il l’aurait privilégiée par rapport à nous ?" Alors Matthieu répond à Pierre : "Si le Sauveur l’a rendue digne, qui es-tu, toi, pour la rejeter ? Certainement le Sauveur la connaît à fond. C’est pourquoi Il l’a aimée plus que nous ! Ayons plutôt honte et revêtons plutôt l’Homme Parfait comme Il nous en a donné la mission ! Nous devons proclamer l’Evangile sans établir d’autres règles ou d’autres lois que celles prescrites par Lui."
Nous le constatons : selon la conception de ces hommes, une femme ne saurait être considérée digne d’être initiée, à plus forte raison de manière directe et à titre individuel. L’intervention de Matthieu met bien en relief la préférence marquée de Jésus envers Marie-Madeleine, que personne ne songe ensuite à contester. Ce lien seul est insupportable et critiqué par les apôtres, qui ont même demandé à Jésus qui d’entre eux siégerait assis à sa droite et à sa gauche dans le Royaume des Cieux... Le Codex de Berlin met en évidence les dissensions et la soif de puissance des disciples. Malgré le témoignage de vie de Jésus, ils continuent de rivaliser entre eux et prolongent la loi ancienne.
La tradition juive faisait de la femme un être indigne, impur, inférieur, dangereux - un aspect qui perdure à notre époque encore en de nombreux domaines. Le groupe des apôtres est nommément constitué d’hommes ; les femmes y sont simplement présentes comme des suiveuses. Jésus ne craignait cependant pas de déranger "l’ordre" établi en louant Marie de Béthanie, assise à ses pieds et écoutant son enseignement sans s’activer dans la maison. Pareillement, on le voit au contact de femmes adultères, de prostituées ou de pauvres vieilles affectées de maux divers.
Marie-Madeleine dérange donc à double titre : elle est femme, et elle fut l’aimée de Jésus qui lui dispensa un enseignement dont les autres ne bénéficièrent pas. Après son ascension, Il demeura même en contact avec elle. Dans le Codex de Berlin, lorsqu’elle est accusée d’affabuler, par les disciples jaloux à propos de sa vision, elle fond en larmes : son récit, qui constitue un authentique enseignement spirituel, n’a pu être reçu par ces hommes aveuglés par leur prééminence, leur soif de pouvoir, et qui s’imposent en tant que continuateurs de l’ordre ancien.
Quel enseignement nous est donné par Marie-Madeleine, qui seule l’a reçu ?
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